Retour sur les commémorations
Du 5 au 7 juin s’est déroulé l’essentiel des manifestations commémoratives de 70ème anniversaire. Sur tous les sites, les mêmes instants de recueillement, de solennité, de fraternité et d’émotion. On retiendra parmi les temps forts les moments suivants :
A Plumelec (Morbihan) d’abord, où, ce jeudi 5, en présence de Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, un hommage a été rendu à Émile Bouétard (plus d’informations dans notre dossier sur les Français du Jour J), le premier mort du 6 juin, « le symbole, dira le Ministre, de ce lien entre la France combattante, qui se préparait à Londres et la France combattante de l’ombre ».
A Pegasus Bridge ensuite, où la foule a réservé – comme partout – un accueil chaleureux aux vétérans de la 6e Division aéroportée britannique, mais aussi au Prince Charles, dans son uniforme de colonel de parachutistes, accompagné de son épouse, la Duchesse de Cornouailles, qui purent assister à un show aérien avec les appareils d’époque de la Royal Air Force, bombardier Lancaster ou mythique Spitfire.
L’après-midi, 170 parachutistes, américains, britanniques et français, ont sauté sur Ranville équipé avec le matériel de l’époque.
A Sainte-Mère-Église, ils étaient une trentaine d’anciens, de la 82e ou de la 101e Airborne, à assister à la cérémonie officielle en l’honneur de leurs divisions, avec ce témoignage insolite d’habitants du lieu, qui disent suivre les pérégrinations des 82e et 101e dès lors que les États-Unis sont engagés dans un conflit.
Pour finir en beauté, c’est toute la côte normande qui s’est embrasée avec 24 feux d’artifice tirés simultanément et parfaitement synchronisés.
Cérémonie en hommage aux victimes civiles
Ce vendredi 6, au mémorial de Caen, le Président de la République préside une cérémonie en hommage aux victimes civiles, ces quelques 20 000 Normands trop longtemps oubliés de l’historiographie et dont le sacrifice n’est véritablement reconnu que depuis peu. La lecture des textes par des collégiens souligne bien entendu l’importance de la transmission de la mémoire.
François Hollande :
« Je veux insister sur la solidarité qui fut celle des Normands dans cette épreuve. Il n’a pas manqué un fermier pour ouvrir sa grange à des malheureux qui cherchaient un abri, un marchand à ouvrir sa boutique pour fournir ce qui lui restait encore de vivres, un entrepreneur pour ouvrir son atelier le temps que le déluge passe, un curé pour ouvrir son église pour une protection qui parfois pouvait être une malédiction quand un obus frappait. […]
Le sacrifice des populations normandes s’est longtemps effacé derrière l’héroïsme des soldats du débarquement. Aujourd’hui ce sacrifice est pleinement reconnu par la République. »
Cérémonie franco-américaine au cimetière de Colleville
Un peu plus tard, c’est la cérémonie franco-américaine au cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer.
François Hollande ajoute :
« Omaha, Utah, la Pointe du Hoc, que l’on prononce en français ou en anglais tous ces noms évoquent la souffrance et la gloire, la désolation et la fierté, la cruauté et la délivrance. Plus de 20.000 Américains ont laissé leur vie ici en Normandie : 20.838, car je veux n’en oublier aucun. Ils furent vos parents, vos frères, vos amis. Ils furent nos libérateurs.
La France n’oubliera jamais ce qu’elle doit à ces soldats, ce qu’elle doit aux Etats-Unis. La France n’oubliera jamais la solidarité entre nos deux nations, la solidarité qui a prévalu lors des deux grandes tragédies du siècle dernier, une solidarité qui repose sur un idéal commun, le rêve, la passion, de la liberté. »
Barack Obama, quant à lui, fera applaudir à plusieurs reprises les vétérans présents, et dira: « Quand le monde vous rend cynique, quand vous doutez que le courage et la bonté soit possibles, arrêtez-vous et pensez à ces hommes”. Auparavant, il avait en quelque sorte répondu à son homologue français en affirmant la reconnaissance des Etats-Unis envers le peuple français pour l’accueil réservé aux combattants d’abord, et le soin pris envers les sépultures de ceux qui étaient tombés.
Cérémonie franco-britannique de Bayeux
Au même moment a lieu la cérémonie franco-britannique au cimetière de Bayeux. Celui-ci rassemble 4648 sépultures et se trouve être un lieu habituel de commémoration (en 1994 avec François Mitterrand, en 2004 avec Jacques Chirac). Cette année, c’est le Premier Ministre, Manuel Valls, qui représente la France auprès de la Reine Elisabeth, qu’accompagnent le Prince Charles, le Premier Ministre David Cameron, mais aussi le Premier Ministre australien, le gouverneur général de Nouvelle-Zélande, et plusieurs centaines de vétérans.
Les mêmes avaient assisté auparavant à une cérémonie œcuménique en la Cathédrale de Bayeux.
Cérémonie internationale à Ouistreham
Après le déjeuner rassemblant chefs d’États et vétérans au château de Bénouville, c’est enfin le point d’orgue de ces journées avec la cérémonie internationale sur la plage de Ouistreham, au cours de laquelle l’assemblée réserve un triomphe à Barack Obama puis à la Reine Elisabeth.
Elle débute par le discours du Président, qui se termine ainsi :
« Le 6 juin n’est pas un jour comme les autres. Il n’est pas simplement le plus long des jours. Il est un jour où le souvenir des morts oblige à chaque instant les vivants. A nous, représentants des peuples unis ici, de tenir la promesse écrite avec le sang des combattants. A nous d’être fidèles à leur sacrifice en construisant en leur nom et au nom des générations futures, un monde plus juste et un monde plus humain.
Oui, je m’incline devant les morts du 6 Juin et de la Bataille de Normandie. Je salue les vétérans et je dis aux chefs d’État et de gouvernement ma gratitude de les voir réunis ici, et en même temps, je veux leur dire que ce qui nous attend est plus qu’un devoir, c’est une obligation pour le monde et un devoir pour ceux qui ont combattu sur ces plages et qui, aujourd’hui, aujourd’hui même, savent par leur esprit que nous sommes leurs héritiers. »
Évocation scénographique, feu d’artifices et patrouille de France
C’est ensuite une évocation scénographique qui, mêlant images d’archives sur écrans géants et chorégraphie contemporaine, retrace à grands traits le déroulement du second conflit mondial, et se termine en apothéose par un feu d’artifice et le passage de la patrouille de France (que l’on retrouve le lendemain pour un show de près de trente minutes sur la plage d’Arromanches, après passage des Lancaster et Spitfire déjà évoqués).
D’autres cérémonies
Deux autres cérémonies étaient encore programmées en fin de journée : une franco-polonaise (en présence de François Hollande), au cimetière d’Urville-Langannerie, où reposent 696 combattants polonais. Rattachés à la 1ère armée canadienne, les Polonais furent aux premières loges lors de la bataille pour la poche de Falaise; une autre franco-canadienne à Courseulles (en présence de Manuel Valls) (voir notre page Juno).
On retiendra de toutes ces cérémonies la volonté d’enraciner solidement l’impérieuse nécessité de la mémoire, traduite par la participation de nombreux jeunes : lecture des textes au Mémorial de Caen, accueil des chefs d’État à Ouistreham, association avec les vétérans en fin de cérémonie ; le sourire et l’appétit encore intact de ces vétérans, dont hélas, pour beaucoup, il s’agissait du dernier grand anniversaire, à l’image de « Pee Wee » Martin, ancien de la 101e qui, à 93 ans, a trouvé le moyen de sauter en parachute (« ça ira beaucoup mieux, il n’y aura personne pour nous tirer dessus »); de Bernard Jordan, 89 ans, ancien de la RAF, qui a fugué de sa maison de retraite pour assister aux cérémonies ; ou encore de l’infatigable Léon Gautier, ancien du commando Kieffer, toujours disponible pour témoigner (et dont le petit-fils est aujourd’hui officier des commandos marine).
Une réussite incontestable
Sous une météo bien plus favorable qu’en 1944, ces commémorations, qui furent aussi une grande fête populaire, auront été une réussite incontestable : elles ont fait honneur aux vétérans présents comme au souvenir de ceux qui ne sont plus là, elles ont délivré un message de paix et de liberté, et, accueillant le monde entier, notre pays a su se montrer à la hauteur de l’évènement.
Laissons le mot de la fin à John Kerry, Secrétaire d’État des États-Unis :
« Nous nous souvenons aujourd’hui qu’une génération entière de héros fut nécessaire pour libérer la France du fascisme. Nous nous souvenons qu’il y a de cela bien des générations, quand le sort était contre nous lors des journées incertaines de la Guerre d’Indépendance, les tout jeunes Etats-Unis n’auraient certainement pas survécu sans l’aide de la France. Lorsque nos deux nations furent confrontées à des défis vitaux, c’est notre profonde amitié, ancrée dans nos valeurs communes, qui nous permit de les surmonter. Comme l’a dit Thomas Jefferson: « Tout homme a deux pays, le sien et la France ». Notre histoire et nos valeurs communes, qui avaient alors une signification particulière, ne pourraient retentir plus clairement qu’aujourd’hui, tandis que nous commémorons le 70ème anniversaire de ce combat mémorable que nous livrâmes ensemble sur les plages de Normandie.«
Crédit photos
Les photographies viennent du site de l’Élysée