Général Hobart
Percy Cleghorn Stanley Hobart est né en juin 1885 en Inde où ses parents résidaient alors. Il sort de l’académie militaire de Woolwich en 1904 et intègre l’arme du Génie, au sein de laquelle il servira en Inde, puis, lors du premier conflit mondial, en France et en Irak (c’est durant la première guerre qu’il obtient la médaille militaire et le “Distinguished Service Order”). C’est ensuite le Pakistan, où il participe en 1919-1920 à la campagne du Waziristan. En 1923, il rejoint l’arme blindée, et devient instructeur à l’école d’État-major de Quetta (Pakistan).
En 1934, devenu “Brigadier” (Général), il prend la tête de la toute première brigade blindée britannique, avec rang d’inspecteur de l’arme. Sa tâche n’est pas facile, tant les détracteurs des chars sont légion : de nombreux cadres ne jurent encore que par la bonne vieille cavalerie, et l’on ose une plaisanterie sur la “mobile force” que l’on transforme en “mobile farce”, inutile de traduire. Paradoxalement, les convaincus sont côté allemand : on sait que le Général Guderian a lu les ouvrages du colonel De Gaulle, et l’on dit aussi qu’il rétribuait sur ses deniers personnels un traducteur pour les articles que le Général Percy Hobart faisait paraître dans les publications spécialisées britanniques.
En 1940, son supérieur direct, Sir Archibald Wavell, commandant en chef des forces britanniques au Moyen-Orient, influencé par les préjugés archaïques du “War Office”, envoie Hobart à la retraite : il est relégué à la défense passive de son village du Gloucestershire ! Il faudra l’intervention de Churchill pour qu’en 1941, Hobart soit réintégré dans ses attributions (quelques temps plus tard, c’est Wavell que Churchill envoyait à la retraite).
On lui confie la formation de la 11e Division Blindée, puis celle de la 79e, qui va devenir son laboratoire.
Le raid sur Dieppe de 1942 avait montré toutes les difficultés à prendre d’assaut une position bien défendue lors d’un débarquement avec des moyens conventionnels : chars et unités d’infanterie. En 1943, alors que la 79e s’apprête à être dissoute faute de ressources, Hobart obtient d’en faire une unité expérimentale, mais opérationnelle, intégrée à un corps de bataille.
Sous sa direction seront conçus toutes sortes de véhicules : les “Hobart funnies”, dont le rôle va se révéler déterminant dans le succès de l’opération. Adaptés à partir de chars Churchill, on trouve ainsi :
- le crocodile, dont une des mitrailleuses est remplacé par un lance-flammes, qui s’avérera particulièrement utile dans les combats du bocage;
- les AVRE, pour Armoured Vehicle Royal Engineers, qui existèrent en plusieurs versions (dans l’une, conçue pour attaquer les bunkers, le canon était remplacé par un mortier de 290 mm, projetant à plus de 130 mètres un obus de 18 kg empli de napalm).
- le bibbin déroulait devant lui un rouleau permettant aux engins de ne pas s’enfoncer dans le sable mou ;
- le fascine déposait quant à lui un énorme fagot de bois (autour de 2 m de diamètre) pour combler les fossés ;
- le small box glider, dans le même esprit, déployait devant lui un pont de 10 mètres pouvant supporter 4 tonnes ;
- le bullshorn plough, muni d’une sorte de pelle excavatrice, neutralisait les mines se trouvant sur son chemin;
- le double onion, grâce à des charges explosives maintenues sur une plaque métallique à distance de son fuselage, détruisait les murs de béton.
Toujours sur la base d’un Churchill, mais sans sa tourelle, fut construit l’ARC (Amoured Ramp Carrier) qui déployait devant et derrière lui des rampes extensibles, l’ensemble constituant un pont sur lequel pouvaient passer les véhicules.
Conçus cette fois à partir du Sherman américain, on trouve :
- le Crab : conçu à partir d’un M4, il actionne devant lui un fléau constitué d’un cylindre métallique avec lequel tourne une quarantaine de chaînes qui font exploser les mines adverses.
- le DD, pour Double Drive est lui pourvu d’une jupe en caoutchouc imperméable, abaissable et relevable à volonté, qui garantit son étanchéité, mais aussi de deux hélices qui assurent sa propulsion en mer. Imaginés pour épauler les premières vagues, ils furent utilisés avec des succès divers : RAS à Sword, où tout se passa comme prévu ; à Gold et Juno, en raison de l’état de la mer, ils arrivèrent en même temps que les chars “ordinaires“, après la première vague. Pas trop de problèmes non plus à Utah, même si les péniches de débarquement, plus rapides, avaient débarqué l’infanterie avant les DD, désastre presque complet en revanche à Omaha où la majorité coula avant même d’avoir vu la plage.
- Enfin, des bulldozers blindés virent également le jour, soit en blindant un modèle de bulldozer existant (ce qui fut le cas de l’armoured bulldozer, sur la base d’un Caterpillar), soit en aménageant en bull un char démuni de sa tourelle (le centaur bulldozer, sur la base d’un char Cromwell).
On notera que ces drôles de machines furent proposées pour être mises à disposition de l’ensemble des forces, mais que les Américains déclinèrent l’offre, ne retenant que le char amphibie Sherman DD.
La 79e DB, qui n’avait pas combattu en tant qu’unité constituée, mais dont les véhicules (près de 7000 à la fin de la guerre) avaient été intégrés aux unités combattantes, sera dissoute en août 1945.
Hobart, lui, prend sa retraite, définitive cette fois, en 1946 (il a déjà 61 ans), et meurt en 1957 à Farnham, dans le Surrey. La petite histoire retiendra qu’il était aussi le beau-frère de Montgomery, tous deux ayant épousé deux sœurs.
Sa page Wikipédia d’où vient d’ailleurs la photographie