Théodore Roosevelt Jr
“Teddy” Roosevelt voit le jour dans la propriété familiale d’Oster Bay Cove, sur Long Island, en 1887, alors que son père (qui sera Président des États-Unis de 1901 à 1909) se lance tout juste en politique. Ce n’est pas un militaire de carrière. Diplômé de Harvard, il se lance dans les affaires et réussira dans les aciéries puis dans la banque. Ayant suivi un camp d’entraînement militaire, il est parmi les premiers à se porter volontaire pour participer au corps expéditionnaire américain en France lors du premier conflit mondial. Il va se distinguer par son attitude héroïque, se défiant du feu et des gaz ennemis, pour devenir, aux yeux du commandant de sa division, le meilleur de ses chefs de bataillon. En juillet 1918, quelques jours après la mort de son frère Quentin, abattu en combat aérien au-dessus de Charmery, il est lui-même blessé et gazé lors de la bataille de Château-Thierry.
Revenu aux États-Unis, il entame une carrière politique en étant élu à l’Assemblée de l’état de New-York, avant que le Président Harding ne l’appelle pour lui confier un poste d’assistant secrétaire d’état à la marine. En 1929, le Président Hoover le nomme gouverneur de Porto-Rico, puis, en 1932, gouverneur général des Philippines. En 1935, il rentre au pays, reprend ses affaires (banque, édition) tout en s’impliquant dans de nombreuses œuvres caritatives ; et en accomplissant les périodes de réserve qui lui permettront de reprendre du service après 1941. Il devient ainsi colonel en 1940, avant qu’on ne lui confie le commandement du 26ème Régiment d’infanterie, celui-là même où il avait servi en 1918.
Promu général fin 1941, il se retrouve engagé en novembre 1942 dans les combats d’Afrique du nord, où il se fait apprécier de ses hommes par ses fréquentes visites sur la ligne de front, préférant le feu de l’action au confort des PC. Si son supérieur immédiat, le général Allen, partage la même philosophie, il n’en va pas de même de Patton, qui n’apprécie guère les deux hommes, et faisant pression sur Bradley, obtient leur mutation. Théodore Roosevelt Jr se retrouve ainsi en Angleterre pour préparer Overlord, comme adjoint du Général Barton à la 4e Division d’infanterie.
L’épisode est resté fameux (grâce – rappelons une nouvelle fois une de nos références incontournables sur les plages du débarquement – le “Jour le plus long”), Roosevelt, las de ne pas être entendu, s’est résolu à présenter par écrit sa demande à Barton afin de pouvoir mener personnellement ses hommes au combat. Ses argument étaient les suivants :
“La force et l’habileté des premiers éléments touchant la plage peuvent se révéler déterminants pour le succès final de l’opération. Avec des troupes engagées pour la première fois, le comportement de tous sera sans doute fixé par ces premiers engagements. [Il est] à considérer que des informations précises de la situation devront être disponibles pour chaque élément successif quand il débarquera. Vous devrez avoir quand vous arriverez à terre une vue d’ensemble dans laquelle vous pourrez avoir confiance. Je crois que je peux contribuer matériellement à tout ce qui précède en allant avec les compagnies d’assaut. En outre, je connais personnellement les officiers et les hommes de ces unités de pointe et je pense qu’ils seront rassurés de me savoir avec eux.”.
Barton accepte à contre-cœur, persuadé qu’il ne reverra plus son adjoint. C’est donc appuyé sur la canne que son arthrite l’obligeait à avoir qu’il va débarquer avec la première vague, dont il est le seul officier général, le combattant le plus âgé (57 ans), et le seul dont le propre fils (Quentin Roosevelt Jr) participe également à l’assaut (à Omaha). Les barges, ayant dérivé, aboutissent plage de la Madeleine, deux kilomètres plus au sud qu’au point prévu, évitant ainsi les parties les mieux défendues de la plage. Teddy Roosevelt entreprend lui-même une reconnaissance des lieux, puis revient au point de débarquement pour prononcer la fameuse sentence : « We’ll start the war from right here ! ». (Nous commençons la guerre ici !). Il accueillera lui-même les régiments suivants, en narrant des anecdotes pour rassurer les soldats, en dépit du feu allemand. Quand Barton arrive, il ne dissimule pas son émotion : “Ted Roosevelt est arrivé. Il avait débarqué avec la première vague, avait mis mes troupes sur la plage, et avait une vue parfaite de toute la situation (tout comme il l’avait promis plus tôt si on le laissait aller à terre avec la première vague). J’ai adoré Ted. Quand j’ai finalement accepté son débarquement avec la première vague, j’étais sûr qu’il allait être tué. Lorsque je lui avais dit au revoir, je ne m’attendais pas à le revoir en vie. Vous pouvez alors imaginer l’émotion avec laquelle je l’ai salué quand il est venu à ma rencontre.” C’est en grande partie grâce à ce sang-froid et à ce courage que le débarquement à Utah est une réussite, la jonction intervenant rapidement avec les paras de la 101e puis de la 82e “Airborne”.
Un mois plus tard, en pleine bataille de Normandie, Bradley propose à Eisenhower de le nommer au grade de Major Général et de lui confier le commandement de la 90e Division d’infanterie. Lorsque Ike téléphone le matin pour approuver ces propositions, il apprend que Teddy Roosevelt est mort dans la nuit, sous sa tente, d’une crise cardiaque. Alors qu’il allait être proposé pour la Distinguished Service Cross, on lui décerne à titre posthume la plus haute distinction militaire américaine, la Medal of Honor. Sa citation dit notamment ceci : “ Sa bravoure, son courage et sa présence à l’avant de l’attaque et son indifférence complète à être sous le feu nourri ont inspiré aux troupes des sommets d’enthousiasme et d’abnégation”.
Des années plus tard, lorsque l’on demandera au Général Bradley de citer la plus héroïque action personnelle qu’il ait vu au combat, il dira “Ted Roosevelt à Utah beach”.
Selon son souhait, il repose au milieu de ses hommes, au cimetière américain de Colleville (carré D, dernière rangée), aux côtés de son frère Quentin, transféré en 1955 à Colleville.
Dans “Le jour le plus long”, son rôle est interprété par Henry Fonda (voix française de Jean Martinelli).